Le gouvernement a ouvert le 19 mars 2018, jusqu’au 30 juin, les consultations publiques sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). L’enjeu est d’inviter les français à prendre part aux réflexions sur leurs énergies de demain. Les énergéticiens français se sont eux aussi penchés sur la question. Ils ont profité de l’édition 2018 du Forum de la Transition Énergétique (FTE) des Echos pour partager leur point de vue. Quels scenarii envisagent-ils pour la PPE 2018 ?
Nous étions présents à l’édition 2018 du FTE. Voici, en résumé, les échanges de la table ronde sur la PPE 2018 réunissants :
François Brottes, Président du Directoire chez RTE,
Fabrice Cassin, Associé chez LPA-CGR Avocats,
Thierry Trouvé, Directeur général de GRTgaz,
Dominique Louis, Président-directeur général de Assystem,
Yves Marignac, Porte-Parole de NégaWatt.
Quel mix énergétique pour 2028 ?
« Le mix énergétique se doit d’évoluer », affirme François Brottes. Il s’agit de stopper l’exploitation des sources d’énergie fossile et de la remplacer par la production d’énergies renouvelables (EnR). Cette évolution se traduit par la fermeture des centrales à charbon et l’arrêt du thermique.
L’importance du gaz dans ce nouveau mix à l’horizon 2028 est primordiale. Thierry Trouvé certifie que « l’étude ADEME sur le 100% gaz vert a ouvert la voie au développement du biogaz. Le gaz a sa place dans la transition énergétique même si les débats sont très tournés vers l’électricité ».
Quant au stockage, « il est nécessaire pour apporter de la flexibilité au réseau », insiste François Brottes. À ce titre, les technologies de stockage par gaz s’annoncent prometteuses. Entre autres, la captation du CO2 et l’utilisation de cycles combinés à partir de gaz vert représentent des enjeux majeurs pour compenser l’intermittence des EnR. Beaucoup d’espoirs reposent sur le projet Jupiter 1000 permettant de transformer les surplus d’électricité renouvelable en hydrogène vert et en méthane de synthèse facilement stockables.
Les grands intervenants de l’énergie s’accordent à dire que les solutions à hydrogène sont intéressantes mais pour l’instant encore prospectives notamment du point de vue économique. Thierry Trouvé admet « qu’il est difficile de connaître aujourd’hui les usages et les sources de l’hydrogène de demain ». Ces derniers reposent notamment sur l’évolution du prix de la tonne carbone. Son augmentation prévue par la loi jusqu’à 100€ d’ici 2030 (contre environ 30€ aujourd’hui) conduira mécaniquement à une hausse du prix des combustibles fossiles.
Des enjeux énergétiques qui surpassent le schéma consommation/production
Les avis concernant l’évolution de la consommation énergétique française sont partagés. François Brottes est confiant : « Malgré de nouveaux usages comme la voiture électrique, la consommation d’électricité devrait rester stable à horizon 2030 » et ceci grâce à l’efficacité énergétique. A l’inverse, Dominique Louis assure que « l’on sous-estime la consommation d’électricité qui va croître jusqu’en 2050 ». Ceci en grande partie du fait de la digitalisation de l’économie qui va augmenter les besoins en électricité.
L’enjeu des EnR réside au-delà du simple approvisionnement en énergie. « Il faut souligner les externalités positives des énergies renouvelables. Le biogaz apporte des bénéfices positifs pour la filière agricole et pour la santé en remplaçant des gaz d’échappement polluants », précise Thierry Trouvé. Yves Marignac signale que la sobriété énergétique offre un potentiel très important alors que très peu exploré car celle-ci n’est pas encore inscrite dans la culture française. Cet aspect sociétal de la transition énergétique est directement inscrit dans la planification pluriannuelle. En comparaison aux plans précédents, la PPE permet d’englober l’ensemble des sources d’énergie et ceci avec l’appui du citoyen qui est inclut dans les débats. Fabrice Cassin apporte d’ailleurs ses éclairages juridiques sur l’outil PPE : « Le rôle de la PPE est de mettre en œuvre les conditions permettant d’atteindre les objectifs énergétiques définis par le législateur ».
D’un point de vue économique, Thierry Trouvé soutient qu’il est moins coûteux de verdir le gaz que de passer à un schéma 100% électrique. De façon plus globale, Yves Marignac affirme que la transition énergétique est un investissement à long terme qui s’amortira au travers de la sobriété énergétique des consommateurs. François Brottes conclut en évoquant la régulation de la CRE qui impose une limite tarifaire aux gestionnaires de réseau.
S’inspirer des pratiques de nos voisins européens ?
Les interconnexions entre les pays européens se doivent de progresser. François Brottes insiste, « l’Europe de l’énergie est utile et indispensable » pour deux raisons principales : favoriser le foisonnement des énergies intermittentes et permettre une baisse des prix par l’ouverture à la concurrence.
Fabrice Cassin soutient que la complexité administrative française est un frein important au développement des EnR dans le sens où elle promulgue une instabilité juridique qui bride les investisseurs. L’autre frein français : la disponibilité d’une énergie nucléaire peu émettrice pour laquelle Yves Marignac suggère de tirer parti de l’expérience Allemande afin d’en sortir progressivement tel que le prévoit la LTECV. Ce à quoi répond Dominique Louis : « l’urgence n’est pas de supprimer le nucléaire, l’urgence est de lutter contre le changement climatique ».
Enfin, François Brottes insiste sur l’obligation de développer les réseaux locaux pour répondre à l’autoconsommation et ne pas se retrouver dans l’impasse identifiée en Allemagne : un réseau insuffisant par rapport à la production d’énergie. « Il y a une force importante de déploiement de production en local aujourd’hui (4 millions de foyer seront auto-producteurs dans les années à venir) mais ça ne suffit pas, il faut l’appui des réseaux de transport d’électricité. »
Dans la continuité de la série d’articles de synthèse des conférences du Forum de la Transition Energétique du 28 mars dernier, retrouvez nos éclairages :
- [FTE] La troisième révolution énergétique, quel avenir en France ?
- Territoires & citoyens : acteurs-clés de la transition énergétique ? (à paraître)
- Gaz / électricité : un marché devenu totalement concurrentiel ?