Dans le cadre de l’élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), l’association Zéro Waste France met en garde les parties prenantes pour que des objectifs trop élevés de valorisation énergétique des déchets (incinération, décharge notamment) ne freinent pas le développement de l’économie circulaire (prévention, compostage, recyclage…).
L’approche Zéro Déchet est une démarche visant à la réduction progressive des déchets dans le but de préserver les ressources. Zéro déchet et économie circulaire sont donc étroitement liés. Il ne s’agit pas uniquement de mieux revaloriser ni même recycler, mais de lutter contre le gaspillage à la source. Cette démarche concerne l’ensemble des parties prenantes, industries, collectivités ou encore individus. Appliqué aux industries, il s’agit par exemple de produire en optimisant l’utilisation des matériaux, d’utiliser des ressources bio-sourcées ou encore d’éco-concevoir pour anticiper la fin de vie du produit et sa réinsertion dans la boucle.
La valorisation énergétique des déchets consiste à récupérer l’énergie dégagée par le traitement des déchets, pour l’injecter dans le réseau comme énergie renouvelable. De part cette récupération de l’énergie, ce processus semble donc s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire. Alors pourquoi de telles inquiétudes de la part de Zero Waste France ?
La valorisation énergétique, comment ça marche ?
La valorisation matière regroupe l’ensemble des opérations de recyclage qui permettent de transformer des objets et matériaux en matière première secondaire, réutilisable lors d’autres cycles de production successifs. A la différence de la valorisation matière, la valorisation énergétique consiste à produire de l’énergie à partir des déchets grâce à des procédés comme l’incinération, la gazéification ou la méthanisation.
La méthanisation, une méthode propre de valorisation des déchets
La méthanisation est un processus qui vise à transformer les matières organiques en méthane et gaz carbonique.
Les craintes de Zero Waste France ne portent pas sur cette méthode de valorisation qui est même plébiscitée dans la mesure où elle constitue une solution propre de valorisation et a même un impact positif sur l’environnement. En effet, à la fin du processus, le digestat peut, au même titre que le composte, retourner à la terre.
L’incinération, un processus coûteux et polluant
La combustion produite lors de l’incinération produit de l’énergie qui peut être récupérée sous forme de chaleur ou d’électricité.
Seulement, comme le rappelle la célèbre formule de Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », les déchets une fois brûlés ne disparaissent pas comme par magie. Pour 1 tonne de déchets brulés ce sont ainsi 230kg de déchets solides toxiques à traiter et plusieurs milliers de mètres cubes de rejets gazeux polluants qui sont rejetés.
La valorisation énergétique permet de verdir un peu ces pratiques, cependant, les incinérateurs représentent un investissement de plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros, ce qui engage les collectivités sur au moins 20 ans d’un point de vue financier selon Zéro Waste France. De plus, ces installations sont très peu flexibles et sont souvent surdimensionnées en premier lieu, ce qui oblige à une alimentation régulière en déchets.
Ainsi, il ne faudrait pas que les revenus générés par la valorisation énergétique incite les parties prenantes à investir dans de nouveaux incinérateurs car ceux-ci ne peuvent être une solution viable à terme. D’autres solutions amont doivent donc être trouvées et de telles investissements n’encouragent pas les collectivités à réduire leurs déchets.
Les centres de stockage des déchets, ou décharges
La décomposition des déchets en anaérobie (sans air) produit naturellement du biogaz. Le captage et la récupération de ce biogaz permet de limiter l’impact environnemental de la décharge en termes de rejets toxiques. Cette décomposition peut être accélérée par l’installation de bioréacteurs.
Toutefois, comme pour les incinérateurs, la décharge ne semble pas être la solution optimale. Depuis le 1er juillet 2002, ces installations sont d’ailleurs autorisées à accueillir uniquement des déchets ultimes : ces déchets correspondent aux ordures ménagères ne pouvant être ni recyclées, ni récupérées, ni valorisées.
En effet, au-delà du méthane et du CO2 émis, la décomposition des déchets entraine des jus pollués appelés lixiviats qui avec le temps risquent de s’infiltrer dans le sol et polluer les nappes phréatiques de produits chimiques potentiellement cancérigènes.
Le dernier échelon de l’économie circulaire
Selon la définition de la FNADE (Fédération Nationale des activités de Dépollution de l’Environnement), la valorisation énergétique permet d’utiliser les déchets qui n’ont pu être ni recyclés ni valorisés sous forme de matière.
Comme le représente le schéma ci-dessous, il s’agit donc bien d’une solution de dernier recours, lorsqu’aucun des procédés occupant une position plus élevée dans la hiérarchie de gestion des déchets n’est possible.
La crainte de Zéro Waste France est ainsi qu’en investissant dans des infrastructures, coûteuses, permettant la revalorisation de l’énergie émise par les incinérateurs et les décharges, les industriels soient incités à vouloir rentabiliser ces investissements au détriment du développement de solutions visant la réduction des déchets en amont.
L’exemple mentionné dans l’intervention de l’association est celui du bois. Selon Zero Waste France, la filière de recyclage de ce matériau est actuellement saturée et certaines peintures rendent son recyclage difficile. Par facilité, les industriels se tournent donc vers l’incinération, tandis qu’une éco-conception et un travail de développement de nouvelles filières pourraient permettre de franchir ces obstacles de façon plus satisfaisante.
Pourquoi la réduction des déchets en amont est-elle une solution préférable ?
Protection de l’environnement
Le respect de la hiérarchie de gestion des déchets présente un nombre indiscutable d’avantages en termes de protection de l’environnement. Concernant le traitement des déchets, les problèmes de pollution des eaux ou de gaz à effet de serre liés aux décharges et incinérateurs ont déjà été évoqués plus haut.
Plus en amont, chaque année le « jour du dépassement » arrive un peu plus tôt et nous rappelle que nous consommons les ressources 1,6 fois plus vite qu’elles ne sont capables de se régénérer. Face à cet épuisement des ressources, le recyclage constitue une alternative intéressante mais non suffisante. En effet, celui-ci est également consommateur de ressources lors du transport puis lors de la transformation. De plus, le recyclage n’est pas infini. Du plastique ne pourra ainsi être recyclé que deux à trois fois. Enfin se pose la question des débouchés de ce recyclage. Faire des vélos avec des capsules de café est une bonne idée, mais jusqu’à quand aurons-nous besoin de faire de nouveaux vélos ?
Eviter la consommation d’un produit jetable, c’est donc empêcher l’extraction de ressources naturelles, la consommation d’énergie pour sa production, le transport jusqu’au lieu de vente et enfin le traitement d’un déchet. Toutes ces actions étant productrices de Gaz à effet de serre, la réduction des déchets a également un impact positif sur le changement climatique.
Le zéro déchet et l’économie
Avec la diminution de tous ces postes d’émission de GES, la crainte associée est souvent celle de la suppression des emplois.
Pourtant, la démarche zéro déchet est porteuse de nombreuses opportunités économiques.
L’optimisation de l’utilisation des ressources permet aux entreprises et aux collectivités de réaliser de forts gains de productivité. Par exemple, selon la London Business School, ce sont $71 milliards qui pourraient être économisés, rien qu’au Royaume-Uni si les vêtements étaient collectés pour être réutilisés ou transformés !
Ces économies pourraient être faites en parallèle d’une création importante d’emplois de proximité et qualifiés ainsi que d’une hausse du PIB. En effet, à quantité égale de déchets (10 000 tonnes), un emploi en décharge ou 3 en incinération en créent 31 en centre de tri et 690 dans le réemploi !
Ajoutant à cela les opportunités liées à l’éco-conception et à l’innovation, ce sont ainsi 500 000 emplois et + 2,5 % de PIB qui pourraient être attendus en France.
Ainsi, la valorisation énergétique est une bonne idée a priori. Elle permet de tirer profit et de reverdir un peu les activités d’incinération et de mise en décharge. Mais il ne faut pas s’y méprendre, celles-ci restent des industries polluantes. La commission européenne a d’ailleurs adopté des objectifs de réduction de la mise en décharge à 10% de l’ensemble des déchets ménagers d’ici 2035.
C’est pourquoi Zero Waste France souhaite que la politique fiscale et les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie soutiennent avant tout la prévention ainsi que les secteurs du réemploi et de la réparation.