La France est le pays qui produit le plus d’électricité nucléaire par rapport à sa population. En 2017, la part du nucléaire représentait plus de 71% dans le mix électrique français. La filière se voit souvent associée de nombreux atouts : indépendance énergétique, électricité à faibles coûts et production décarbonée. Son principal revers de médaille est la production de déchets radioactifs.
Les autorités publiques, conscientes du problème, cherchent à trouver des solutions pérennes à la problématique de gestion des déchets nucléaires.
Dans cette série d’articles, une 1ère partie vous donnera la vision du contexte de la gestion des déchets radioactifs. Puis dans une 2ème partie, vous présentera une réponse à ces enjeux qui est le projet CIGEO ainsi que les problématiques et défis propres au projet.
Photo d’une centrale nucléaire en cours de production d’électricité : Source Avant Premiere
Le cycle de vie du combustible, à l’origine des déchets les plus radioactifs
Les ressources d’uranium sont réparties de manière hétérogène sur la planète. L’Australie (24%), le Kazakhstan (17%) et le Canada (9%) possèdent la moitié des ressources d’uranium sur la planète. La présence des minerais d’uranium peut être de 300g/tonne pour la Namibie et jusqu’à 200kg/tonne pour le Canada.
Cycle de vie de l’uranium : Source Wikipédia
L’extraction n’étant pas rentable pour tous les sites, cela limite d’autant les zones d’exploitations. Dès lors que l’on a trouvé un site rentable, l’extraction peut alors commencer. Une fois que l’on commence à extraire les minerais, il faut procéder à une oxydation afin d’isoler l’uranium. Ce procédé aboutit à la production du « Yellow Cake » et la procédure de fabrication du combustible nucléaire pour les centrales peut commencer.
Processus de fabrication du combustible : Sources CRU International, Le journal CNRS, Wikipédia
Une fois que les 157 assemblages sont réunis pour réaliser un combustible prêt à l’emploi pour un réacteur nucléaire. Le combustible introduit dans le réacteur nucléaire, pour une durée de séjour de 3 ans, pèse 94 tonnes, ce qui équivaut à 11 millions de pastilles.
Concernant les principaux pays consommateurs d’énergies nucléaires, la politique de gestion des combustibles usés diffère :
- Les USA ou la Suède stockent les combustibles usés
- La France, la Grande-Bretagne, la Russie et le Japon ont des capacités de gestion de retraitement des combustibles usés
- L’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse et la Belgique font retraiter leurs combustibles usés par des pays ayant des centres de retraitement
Une fois que le combustible est usagé, celui-ci est envoyé dans une usine de retraitement des déchets. Dans cette usine, l’uranium non utilisé sera remis dans le cycle de vie à la phase d’enrichissement. Le plutonium fabriqué par la fission nucléaire sera réintroduit dans le cycle de vie à la phase de fabrication du combustible et les déchets radioactifs (résidus ultimes) seront envoyés en stockage définitif.
Conditionnement de déchets radioactifs : Source Wavestone
Des solutions et projets de gestion des déchets adaptés à chaque niveau de radioactivité
Mais qu’est-ce qu’un déchet radioactif ? On appelle déchets radioactifs toutes les matières contenant une activité radioactive naturelle ou artificielle. Au sein des déchets radioactifs se trouvent les déchets nucléaires qui sont issus d’opérations industrielles et dont la quantité et l’activité font qu’ils sont les plus difficiles à gérer. En France, une loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a été votée le 30 décembre 1991 et comporte trois axes :
- La recherche de solutions permettant la réduction de la toxicité radioactive (méthode de séparation-transmutation) des éléments radioactifs à vie longue présents dans les déchets
- L’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes notamment grâce à la réalisation de laboratoire souterrains
- L’étude de procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface des déchets
Un déchet est considéré à « vie courte » lorsque son activité est inférieure à 30 ans et à « vie longue » lorsque l’activité est de l’ordre de 1 000 000 d’années.
Conditionnement de déchets radioactifs dans du béton : Source Wavestone
En France, la classification décrit cinq familles de déchets :
- Les déchets de très faible activité qui proviennent des démantèlements et assainissements d’installations nucléaires sont, pour le plus gros du volume, des chaises, tables et autres mobiliers que l’on retrouve dans une centrale nucléaire. Ce sont des déchets dont le volume est très important
- Les déchets de faible activité à vie longue sont généralement des minerais radioactifs tels que le graphite ou le radium
- Les déchets de faible activité et moyenne activité qui ont principalement une vie courte et qui représentent 89,5% des volumes pour 1% de l’activité nucléaire
- Les déchets de moyenne activité et vie longue qui représentent 10% du volume pour 9% de l’activité nucléaire
- Les déchets de haute activité et vie longue qui représentent 0,5% des volumes et 90% de l’activité nucléaire
Les déchets de moyenne activité (4.) et de haute activité (5.) à vie longue, sont les déchets qui posent les plus gros problèmes de gestion. L’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) est, comme son nom l’indique, une agence nationale chargée de la gestion à long terme des déchets radioactifs produits en France et est sous la tutelle des ministres chargés de l’énergie, de la recherche et de l’environnement. L’ANDRA, qui est indépendante des producteurs des déchets, met son expertise et son savoir-faire au service de l’Etat pour trouver, mettre en œuvre et garantir des solutions de gestion sûres des déchets.
Les déchets de haute activité et vie longue (HAVL) représentent en volume 3518m3 en 2015 d’après l’ANDRA soit un peu plus que le volume d’une piscine olympique. Ces déchets sont les plus dangereux pour l’écosystème naturel et l’Homme. Actuellement, il existe 4 centres de stockage des déchets en France gérés par l’ANDRA et le siège social en banlieue parisienne à Châtenet Malabry (en bleu ci-dessous).
Implantations de site de l’ANDRA : Source ANDRA/Google Maps
Le site de stockage des déchets de la Manche de 1969 à 1994 (en violet ci-dessus), est le 1er centre de France. Il stocke actuellement plus de 500 000m3 de déchet, il a une couverture végétale et une membrane bitumeuse étanches. De 2003 à 2008, le site est sous surveillance très active et de 2008 à 2058/2158 le site sera en surveillance active pour au final atteindre une surveillance passive car il sera considéré que le site a de faibles conséquences sur l’environnement.
Stockage des déchets nucléaires conditionnés : Source Wavestone
Le site de Soulaines dans l’Aube (en rouge ci-dessus) qui a pour objectif de stocker des déchets de faible activité et moyenne activité. L’exploitation du site a commencé en 1992 et pour une durée de 70 ans. La capacité de stockage est d’1 000 000m3 de déchets radioactifs pour une superficie de 30Ha. Le site transforme les liquides en solide, incinère ou compacte les déchets dans une logique de réduction du volume. Les déchets compactés sont conditionnés dans un conteneur (baril) en béton ou acier afin d’éviter la dispersion et améliorer la résistance mécanique des colis. Les barils de déchets sont alors entreposés dans la zone de stockage qui fait 25m de côté et 8m de hauteur. Chaque rangée est recouverte de béton et la dernière rangée est recouverte de gravier.
Le centre de stockage de Morvilliers (en rouge ci-dessus) gère les déchets radioactifs à très faible activité et à vie courte, avec une superficie de 28,5Ha et une capacité de 650 000m3. Les déchets sont introduits dans des alvéoles creusées dans l’argile à plusieurs mètres de profondeur.
Actuellement, il n’y a pas de centre de stockage des déchets radioactifs à moyenne et haute activité de vie longue. Le Gouvernement et l’ANDRA cherchent à trouver une solution pérenne à ces déchets très dangereux pour l’Homme et l’environnement. Le laboratoire de recherche de Bure dans l’Aube (en noir ci-dessus) a été créé il y a plus de 20 ans dans le but de trouver un moyen de gérer les déchets nucléaires dangereux. Le projet CIGEO consacre des moyens techniques, humains et financiers pour tenter de répondre de manière pérenne à cette problématique. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire l’article dédié au sujet « Le nucléaire français : présentation d’une réponse aux enjeux de gestion des déchets nucléaires, « le projet CIGEO » [2/2] »