Débat houleux autour de l’éolien offshore

Alors que la France va bientôt définir sa politique énergétique sur les 10 prochaines années, 120 parlementaires interpellent l’exécutif et plaident en faveur du biogaz et de l’éolien offshore. Si ces deux filières sont à des stades de maturité différents, l’éolien en mer semble avoir toute sa place dans le mix énergétique français. Avec déjà 18 500 MW installés en Europe et un coût de production de l’électricité devenu compétitif, il pourrait représenter un formidable atout pour la France !

 

Des députés vent debout pour l’éolien offshore

Portée par Matthieu Orphelin, ex-marcheur et proche de Nicolas Hulot, cette lettre datée du 7 mars dernier se veut très critique à l’égard des objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE). Ce texte, toujours en consultation, définira la politique énergétique française sur la prochaine décennie. Pour ces 120 parlementaires, les énergies marines renouvelables ne sont pas considérées à la hauteur de leurs « immenses potentiels » par le gouvernement. La France dispose en effet du deuxième plus grand espace maritime au monde, un formidable atout actuellement inexploité.

Ces éoliennes en mer posées (c’est-à-dire ancrées à une fondation, elle-même fixée au plateau continental) pourraient dès 2030 fournir près de 10 % de notre électricité, contribuant ainsi grandement au mix énergétique et à la lutte contre le réchauffement climatique. Pour atteindre cet objectif, la construction d’au moins 1 GW par an serait nécessaire. Or, la PPE table aujourd’hui sur une puissance installée de 4,7 à 5,2 GW à horizon 2028.

Au-delà des bénéfices environnementaux évidents, l’éolien offshore représente une formidable opportunité industrielle pour notre pays. On estime déjà que les 6 premiers parcs vont créer près de 15 000 emplois en France. Plusieurs usines sont déjà en cours de construction et vont ancrer durablement de grands équipementiers sur notre territoire.

L’éolien offshore s’impose en Europe, stagne en France

Depuis le premier appel d’offres lancé en 2011, l’éolien offshore a bien du mal à se faire une place sur les côtes françaises. On dénombre aujourd’hui 7 projets d’une puissance totale de 3 500 MW, mais aucun n’est encore opérationnel. Pourtant, cette technologie a déjà séduit bon nombre de nos confrères européens. Fin 2017, on comptait en Europe pas moins de 17 GW de capacité installé, possédés à 70 % par l’Angleterre et l’Allemagne. Cette situation est d’autant plus troublante que la France dispose du 2ème plus grand gisement de vent offshore en Europe.

Les 7 projets français d’éolien offshore

Comme souvent, les causes expliquant ce décalage sont nombreuses :

Le premier écueil rencontré par la filière fut technologique. Contrairement aux mers du Nord, les sites français exploitables se trouvent à des profondeurs relativement grandes. Il a donc été nécessaire de développer de nouvelles méthodes de construction, qui demeurent encore aujourd’hui plus coûteuses que celles utilisées dans les pays d’Europe du Nord.

Viennent ensuite les nombreux recours en justice visant à ralentir ou stopper ces grands projets. Qu’elles soient conduites par des associations de pécheurs ou de simples particuliers soucieux de préserver les paysages côtiers, ces procédures viennent geler la construction de ces fermes offshores. Ces périodes de blocage peuvent durer de 3 à 4 ans, faisant presque doubler le temps moyen de réalisation de ce genre d’ouvrage par rapport aux autres projets européens. La conséquence de ces retards est d’autant plus dommageable qu’il était impossible pour les constructeurs de modifier les installations une fois contractualisés, les obligeant donc à installer des éoliennes déjà obsolètes. Fort heureusement, cette spécificité française est sur le point de disparaître. Une nouvelle réglementation permet en effet l’installation de modèle plus récents que ceux définis lors de l’appel d’offres.

L’un des principaux freins fut probablement le coût de production de l’électricité qui resta longtemps de 3 à 4 fois supérieur aux prix du marché. Pour financer les débuts de cette filière, l’État a dû débloquer une enveloppe de 30 milliards d’euros sur une période de 20 ans. Cette somme correspond à la construction d’une vingtaine de réacteurs nucléaires (sources : SFEN), réacteurs capables de délivrer une puissance bien supérieure aux 3 GW des 6 parcs éoliens financés avec cette enveloppe. Les vents français sont aussi moins puissants que ceux observés dans les mers du Nord, entraînant une production moins importante et donc une hausse du coût de l’électricité par rapport à nos homologues européens.

Un point de bascule bientôt atteint

Ces dernières années, le coût de la production de l’électricité issu de l’éolien offshore n’a pas cessé de s’effondrer. Un point de bascule est même sur le point d’être atteint car celui-ci est récemment passé en dessous des prix d’achat constatés sur le marché, permettant ainsi à cette industrie de s’émanciper des aides gouvernementales qui l’ont longtemps maintenue en vie.

Sur le projet dunkerquois, dernier appel d’offres passé par l’État, un prix de 60 € du mégawattheure est attendu. C’est une division par 3 des prix négociés sur les premiers projets français. La dernière génération d’éoliennes, plus fiables et plus puissantes, a fortement contribué à la chute de ces prix.

Devenu compétitif, l’éolien en mer possède de nombreuses qualités et pourrait avoir une place de choix dans le mix énergétique français. Profitant de vent plus fort et plus constant que sur terre, elles produisent jusqu’à 50 % plus d’électricité que les éoliennes terrestres à puissance égale. Le photovoltaïque a lui aussi du mal à suivre puisque pour remplacer 10 GW d’éolien offshore, il est nécessaire d’installer 32 GW de photovoltaïque.

Cette technologie semble loin d’avoir atteint ses limites, si bien que la baisse continue des prix de production va sans doute se poursuivre. Mieux, de nombreux industriels s’attaquent aujourd’hui à l’épineuse question de l’éolien flottant. Les défis techniques sont nombreux, mais le jeu en vaut la chandelle : on estime que 600 GW sont potentiellement exploitables en Europe, contre 250 pour l’éolien offshore posé.

 

De plus en plus compétitif, l’éolien offshore a toutes les qualités requisses pour occuper une place de choix dans le mix énergétique français. Reste à voir si cette opportunité sera saisi par l’exécutif.

 

Source :

https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-33055-lettre.pdf

https://lenergeek.com/2019/03/14/eolien-offshore-transition-energetique/

https://lf5422.com/2018/12/05/les-projets-deolien-off-shore-en-france/

https://www.la-croix.com/Economie/France/Eolien-offshore-lexception-francaise-2019-01-16-1200995733

https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-la-france-n-a-aucun-parc-eolien-offshore-au-contraire-des-autres-pays-europeens.N740474

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0301220418001-le-cout-exorbitant-de-leolien-offshore-francais-2150486.php

https://www.connaissancedesenergies.org/interview-leolien-flottant-en-4-questions-150319

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