Depuis 2007, le marché de l’électricité français est ouvert à la concurrence à l’ensemble des clients. Cela a permis l’émergence de plusieurs fournisseurs alternatifs d’électricité auprès de l’acteur historique EDF. Depuis plus de 10 ans, les foyers français ont ainsi le choix pour s’approvisionner en électricité. Ils peuvent l’acheter au Tarif réglementé de Vente (TRV) auprès d’EDF ou s’approvisionner auprès d’un fournisseur alternatif, en offre de marché (OM).
Aujourd’hui, 75% des foyers français (soit près de 26 millions de sites) bénéficient du TRV d’électricité. Ils verront ce tarif augmenter de 5,9% TTC cet été. Cette décision, présentée en janvier 2019 par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a été la source de débats récents entre plusieurs acteurs. Nous vous en proposons un décryptage dans cet article.
Une décision impliquant de multiples acteurs
Panorama des acteurs concernés et rappel des processus décisionnels
La décision d’augmentation des tarifs réglementés a fait intervenir plusieurs acteurs : La CRE, le conseil d’état, les associations de consommateurs, ainsi que l’autorité de la concurrence.
En février 2019, une délibération a été émise par le régulateur de l’énergie pour augmenter les TRV d’électricité auprès des ministères de la Transition écologique et solidaire, ainsi que de l’Economie et des Finances. Elle concerne les clients résidentiels et professionnels bleus (c’est-à-dire souscrivant à une puissance inférieure à 36 kVA). Elle s’applique aussi bien en métropole que dans les zones non interconnectées. Sans opposition des ministres dans un délai de trois mois suivant la proposition de la CRE, ce mouvement tarifaire est applicable.
Cette délibération a été accompagnée d’un mouvement d’opposition des consommateurs. Ceux-ci estiment que cette hausse des tarifs est illégitime. Le gouvernement avait jusqu’au 1er juin pour se prononcer sur la décision du régulateur. A partir cette date, les français bénéficiant du TRV d’électricité verront bien leur facture énergétique augmenter.
Une augmentation tarifaire due à une hausse des prix de gros de l’électricité
Les tarifs réglementés d’électricité sont révisés annuellement et sont encadrés par le code de l’énergie. Ils prennent en charge différents coûts : frais d’acheminement à travers le réseau (transport et distribution), taxes et contributions, coûts commerciaux et frais d’approvisionnement en énergie. L’approvisionnement en électricité est assuré au travers de trois sources : l’ARENH (Accès régulé à l’énergie nucléaire historique), les marchés de capacité, et l’approvisionnement direct sur les marchés de gros de l’électricité.
L’augmentation de 5,9% TTC (se traduisant par 8,3 € supplémentaires sur le MWh d’électricité achetée) annoncée par le gendarme de l’énergie s’explique par une hausse globale des prix sur le marché de gros de l’électricité . Cette hausse intervient dans un contexte d’augmentation du prix des matières premières au courant de l’année 2018. De manière générale, cette variation s’insère dans une tendance européenne d’augmentation des tarifs d’électricité (comme l’indique le graphique ci-dessous).
Source : Selectra
Néanmoins, cette hausse des prix est à nuancer en comparaison avec les autres pays Européen. En effet, la France est l’un des pays européens bénéficiant des tarifs d’électricité les moins élevés, comme le montre le graphique ci-dessus.
Une décision qui a porté à débat
Une décision qui s’insère dans un contexte politique complexe
Dans un contexte politique complexe (protestation des gilets jaunes), le 1er ministre a annoncé un gel des prix de l’électricité pendant la période hivernale. Cela avait pour but de protéger les foyers les plus modestes pendant la période de chauffe hivernale. La proposition d’augmentation tarifaire de la CRE initialement prévue en février 2019 a donc été décalée dans le temps.
Des intérêts divergents entre les différentes parties prenantes
En réponse à la délibération du régulateur de l’énergie, des associations de consommateurs (UFC-Que choisir et la CLCV) se sont organisées pour protester contre cette hausse tarifaire. Suite à l’envoi d’une lettre ouverte au Président de la République en avril afin qu’il révoque cette décision, ces associations ont également menacé de saisir le conseil d’état. Selon elles, une augmentation de 2,9% TTC des TRV de l’électricité suffisait à couvrir l’augmentation des coûts d’approvisionnement. Cela représentait donc la moitié de l’évolution préconisée par le gendarme de l’énergie.
Par ailleurs, ces associations de consommateurs s’appuient sur les recommandations de l’Autorité de la concurrence dans son avis du 25/03/2019 . Elle y est défavorable à une hausse aussi importante des prix. En effet, elle estime que l’augmentation des TRV d’électricité préconisée par la CRE serait détournée de son but initial et servirait également à pallier les limites de l’ARENH. De plus, l’Autorité de la concurrence estime qu’une telle augmentation imposerait une charge financière supplémentaire aux ménages plutôt qu’aux fournisseurs. Ainsi, elle a demandé au gouvernement un réexamen du dispositif envisagé pour mieux répondre aux attentes des Français quant à l’augmentation de leur pouvoir d’achat.
En parallèle, l’ANODE (l’Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Energie) regroupant un ensemble de fournisseurs alternatifs a exprimé un avis plus favorable à la délibération de la CRE. Elle estime en effet que cette décision est indispensable à la pérennité financière de l’ensemble des fournisseurs d’énergie ainsi qu’au maintien de la sécurité du parc nucléaire français. L’ANODE demande néanmoins une révision des taxes actuellement en place sur l’électricité ainsi que du mécanisme de l’ARENH (Voir notre article EnergyStream dédié au sujet) afin de permettre une plus grande compétitivité pour les ménages.
Points à retenir :
- Une augmentation de 5,9% des Tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRV) a été demandée par le régulateur de l’énergie pour faire face à la hausse des prix de gros de l’énergie
- Cette hausse affecterait près de 26 millions de sites (majoritairement des ménages et des petits professionnels)
- Cette décision est controversée par les associations de consommateurs ainsi que par l’autorité de la concurrence, car elle porterait notamment atteinte au portefeuille des Français
- Cette décision s’insère dans le cadre d’un débat plus élargi à instaurer sur les mécanismes mis en place pour réguler le marché de l’énergie en France (notamment l’ARENH)
- Cette hausse a été mise en place le 1er juin 2019.