Interview de Twaice , une jeune société munichoise, qui propose une solution logicielle dédiée au pilotage du cycle de vie des batteries.
Face aux enjeux de l’intégration des énergies renouvelables, de l’équilibrage des réseaux, ou encore de l’électrification des transports, le chantier stockage dans l’énergie donne la parole aux acteurs européens de la filière du stockage d’énergie par #Batteries.
Cette semaine, découvrez l’interview de Lennart Hinrichs pour Twaice, une jeune société basée à Munich, qui propose une solution logicielle dédiée au pilotage du cycle de vie des batteries. Une expertise industrielle et technologique sur laquelle l’Europe pourra sans aucun doute s’appuyer pour la création d’un pôle européen de la batterie.
Qu’est-ce que Twaice? Quelle est la proposition de valeur de votre société ?
Twaice : En deux mots, l’activité principale de notre société est l’analyse prédictive des batteries. Nous fournissons une solution logicielle qui aide nos clients à optimiser le fonctionnement de leurs batteries. Nos deux principaux secteurs d’intervention sont les transports et l’énergie.
Côté énergie, nos cibles sont :
- Les opérateurs d’unités de production d’énergie
- Les EPC (Engineering, Procurement and Construction, ou ingénierie, approvisionnement et gestion de construction), qui fabriquent des systèmes de stockage à l’échelle industrielle.
En ce qui concerne les transports :
- Nous nous concentrons sur les constructeurs et les gestionnaires de flottes de véhicules électriques, qui représentent un marché particulièrement intéressant en Chine. Ces acteurs sont cependant assez peu développés en Europe pour le moment, et seuls quelques bus électriques sont en circulation sur le continent.
- Nous travaillons également avec des OEM (NDLR – Original Equipement Manufacturer, fabricants de composants de batteries) sur des batteries de toutes tailles, destinées à équiper des voitures aussi bien que des camions. Nous leur apportons notre soutien lors de la phase de développement en testant et en optimisant les systèmes de batteries, et en vérifiant si ces derniers répondent aux attentes en termes de garanties et de services.
Enfin, nous avons développé une solution d’optimisation du service après-vente et des coûts liés à la couverture des installations. Notre solution passe principalement par de la maintenance préventive, et la fourniture d’un service qui permet aux compagnies d’assurance d’offrir une meilleure couverture. Elle permet de surcroît l’amélioration de la valeur de revente des véhicules électriques d’occasion, en évaluant plus finement leur valeur.
Selon vous, cette externalisation des services d’analyse des données vient-elle d’un manque d’investissement, en particulier de la part des OEM (Original Equipment Manufacturers) ?
Twaice :Au vu des demandes de nos clients, je ne pense pas que cela soit une question d’argent. Le besoin auquel nous répondons découle davantage d’un manque de moyens humains et de temps. Ce qui est certain, c’est que les batteries sont des systèmes très complexes, en comparaison avec d’autres systèmes mécaniques ou électriques. En effet, les batteries sont des systèmes électro-chimiques qui réagissent de manière variable aux facteurs externes tels que la typologie d’usage ou les conditions climatiques.
Si la plupart des batteries sur lesquelles nous travaillons sont prévues pour durer environ 10 ans, il est très difficile de les tester en conditions opérationnelles. Ainsi, la plupart des OEM emploient des ingénieurs qui travaillent sur la composition de leurs produits, afin de rendre les batteries plus sûres et d’augmenter leur durée de vie. Mais les sociétés en charge de l’assemblage final et du suivi de la batterie tout au long de son cycle de vie ont besoin d’un logiciel dédié, qui collecte des données en temps réel et leur donne du sens, au lieu de simplement se baser sur les spécifications de leurs fournisseurs OEM. Or cela ne fait pas partie de leur cœur de métier. Elles ont donc besoin d’un intermédiaire pour analyser les données récoltées en fonctionnement, afin de pouvoir planifier les mesures appropriées (maintenance ou ajustement au cycle de vie du système de batterie).
Quelques mots sur le modèle d’exploitation de la solution Twaice pour les services d’utilité publique, comme la distribution d’électricité ?
Twaice : Bien sûr ! Le modèle d’exploitation est aussi très intéressant dans le secteur de l’énergie, en particulier dans les grandes installations à échelle industrielle. Dans ce contexte, nous travaillons avec une compagnie d’assurance pour fournir une meilleure couverture de garantie sur les équipements et automatismes associés aux installations, faisant appel à des batteries regroupées dans des conteneurs. Les EPC construisent ces conteneurs qu’ils vendent avec un contrat de maintenance. Ce dernier intègre un certain nombre de travaux de maintenance programmés et prévus à l’avance, ainsi qu’une garantie de dix ans sur la durée d’exploitation. Si un évènement extraordinaire survient, la compagnie d’assurance intervient. Notre solution permet aux clients de détecter les anomalies avant qu’elles ne causent de dommages sérieux. Grâce à cela, les primes et frais d’assurance peuvent être réduits.
Par exemple, l’une des installations sur laquelle nous travaillons ce moment est couplée avec une centrale électrique à gaz. Les batteries, d’une puissance d’environ 5MWh, sont utilisées pour compenser le temps de démarrage de la centrale, d’environ 20 minutes, en cas de besoins sur le réseau et de pic de demande. Le conteneur peut fournir immédiatement de l’énergie au réseau afin de stabiliser le système pendant ces vingt minutes. Par la suite, la centrale prend le relai et la batterie peut se recharger. Or, si la batterie n’est pas disponible à ce moment crucial, cela peut devenir un énorme problème pour le fournisseur d’énergie, qui est légalement tenu par le gestionnaire de réseau d’assurer la sécurité et la stabilité du réseau.
D’autres applications à envisager ? Sur de l’autoconsommation par exemple ?
Twaice : D’autres applications pourraient effectivement être envisageables. Ainsi, notre solution pourrait être applicable dans le cadre de l’autoconsommation avec stockage d’énergie, mais ce genre de solution a évidemment un coût, qu’il s’agit de calculer au regard des bénéfices potentiels. La plupart du temps, le cas d’usage des micro-réseaux repose sur le stockage de l’énergie produite par des panneaux solaires posés sur les toits. Cette énergie est consommée localement, principalement à l’intérieur du logement, et les batteries sont donc très peu sollicitées. Par conséquence, les perspectives ne sont pas aussi intéressantes qu’avec le stockage à échelle industrielle dans des environnements à risque.
Globalement, et pour conclure sur notre proposition de valeur, le principal avantage des batteries, c’est que nous n’avons besoin d’information que sur la température, le courant et le voltage. Or ces informations sont collectées par des capteurs déjà présents dans le système. A partir de ces éléments, nous pouvons facilement recréer un clone digital du système, qui nous fournit des informations sur les performances et les conditions d’utilisation des équipements.
Pensez-vous que les controversées batteries au Lithium-Ion représentent le futur du stockage d’énergie, ou pensez-vous que les acteurs de la filière devraient plancher sur d’autres technologies ?
Twaice : Si la question est de remplacer totalement l’usage des batteries Li-ion, je doute que cela ait lieu avant plusieurs années de développement. Les performances des batteries au Li-ion sont constamment améliorées, avec une densité énergétique en augmentation, moins de Cobalt, moins de Nickel (qui sont les véritables « Terres Rares » entrant dans la composition des batteries- NDLR) … Il existe cependant des alternatives et évolutions qui pourraient bouleverser le marché dans les prochaines années : on parle par exemple beaucoup des « Batteries Solides » et de leur potentiel Million de cycles de charge / décharge disponibles. Néanmoins, celles-ci présentent également un certain nombre de défauts, ce qui en fait un cas d’étude intéressant pour nous côté analyse de données.
Et la Chine dans tout cela ? Vous indiquiez au début de cet entretien que le géant asiatique est l’un de vos de principaux marchés pour la gestion de flottes électriques.
Twaice : Les autorités chinoises ont entamé une démarche de forte promotion des mobilités électriques. Celle-ci a pour but premier de créer une filière indépendante des technologies à combustion développées et exportées par les pays Occidentaux, mais prend également en compte les énormes enjeux environnementaux auxquels le pays et sa population font face, particulièrement dans les villes. Des initiatives ont donc été lancées, comme le déploiement de 16 000 bus électriques dans la métropole de Shenzhen, ce qui représente plus de 16 fois le nombre de véhicules du même type en circulation sur l’ensemble du continent européen. Ce chiffre démontre clairement que la Chine est en train de prendre un rôle de premier plan dans le secteur, avec un grand nombre d’OEM implantés sur le territoire, et adressant principalement leur marché domestique.
La politique de régulation chinoise est également intéressante à d’autres titres. En effet, chaque Fabricant est tenu de collecter des données sur son produit, et d’envoyer des alertes aux opérateurs de flottes lorsque que l’on dépasse certains paliers d’usage ou d’usure. En fonction du niveau d’alerte identifié, le conducteur d’un bus électrique pourra même recevoir une instruction d’arrêt immédiat et d’appel aux pompiers. D’autre part, la constitution de ce lac de données génère de nombreuses opportunités pour les solutions d’analyse comme TWAICE, qui peuvent alors faire un usage poussé de ces données collectées. Plus globalement, nous considérons que la Chine propose aujourd’hui un grand nombre de cas d’usages très avancés, potentiellement annonciateurs de ce qui arrivera dans quelques années en Europe.
Êtes-vous dans une démarche de partenariat avec des fabricants de Cellules batterie ? Quelles seront les prochaines étapes dans le développement de TWAICE ?
Twaice : Nous avons récemment réalisé que notre valeur ajoutée la plus forte pouvait surtout être mise au service des OEM, des gestionnaires de flottes électriques, et des opérateurs de batteries industrielles. Nous nous concentrons donc sur ces acteurs dans un premier temps. Pour la suite, nous envisageons de croitre aux côtés de nos clients, et d’étendre notre empreinte sur les marchés cités plus haut. Notre collaboration avec les acteurs chinois, compte tenu des perspectives de développement national des technologies électriques, sera également une étape fascinante pour nous !