De l’électricité dans l’air : l’année dernière, la Commission Européenne a acté la fin de la vente de véhicules thermiques dans l’Union européenne à partir de 2035. Bien que ce projet se heurte en 2023 aux réticences de plusieurs pays, comme nous pouvons le lire dans cet article, il demeure très ambitieux. Dans le détail, le premier objectif du projet est fixé à 2030 et vise une diminution de 55% des émissions des véhicules thermiques et 50% des émissions des véhicules utilitaires légers, puis l’arrêt de la vente de voitures thermiques ou hybrides en 2035.
Implicitement, cela impose aux constructeurs automobiles de se préparer aujourd’hui pour se conformer demain. De nombreux constructeurs ont pris les devants et ont annoncé leur volonté de passer d’une gamme thermique à une gamme 100% électrique bien avant l’échéance de 2035, tels que Jaguar en 2025 ou Alfa Romeo en 2027. La voiture électrique trouve sa place dans le paysage automobile et s’impose progressivement au consommateur. Mais la voiture électrique est-elle réellement une opportunité sur le plan écologique pour la planète ? Représente-t-elle un gain économique pour le consommateur ?
Comparaison du cycle de fabrication : avantage au véhicule thermique
La production d’une voiture électrique est particulièrement énergivore et la décarbonation du processus de fabrication est un véritable enjeu pour les constructeurs, comme l’explique notamment BMW dans des propos rapportés par Caradisiac.
Au-delà de la volonté de mettre la pression sur les fournisseurs de batterie pour décarboner le processus de fabrication, nous comprenons implicitement que l’extraction des matières premières et la fabrication des batteries, nécessitent énormément de ressources et sont des étapes du processus de conception qui se trouvent dans des pays géographiquement éloignés des marchés d’utilisateurs finaux.
Comme nous pouvons le lire dans cet article de Energy Stream, parmi les métaux utilisés dans une batterie de véhicule électrique, nous retrouvons principalement du lithium dont les réserves sont concentrées en Amérique du Sud, en Australie et en Chine, ainsi que du cobalt provenant principalement de la République Démocratique du Congo. La carte ci-dessous nous présente la répartition mondiale du lithium :
Source : U.S. Geological Survey, 2021
Or, à titre d’exemple, l’impact environnemental lié à l’extraction d’une tonne de lithium est colossal :
Schéma Wavestone
Les effets sur l’environnement de la production des batteries ne se limitent pas à l’extraction des matières première. En 2019, Amnesty International pointait du doigt le processus de fabrication des batteries en Asie. D’après l’ONG, la transformation des matières premières réclame de grandes quantités d’électricité. Or, cette électricité est produite principalement à base d’énergies fossiles, comme le charbon en premier lieu.
L’extraction et la transformation des matières premières sont également à prendre en compte. Le processus d’acheminement des matières premières, la transformation et la livraison sont autant d’étapes liées par une phase de transport maritime non prise en compte dans la plupart des études :
Source : Caradisiac, annotations de Wavestone
Le transport des matières premières vers l’Asie, puis le transport des cellules vers l’Europe se fait très majoritairement par bateau, pour des raisons de coût, de disponibilité, de capacité et de sécurité. Actuellement, il n’existe pas d’alternative réaliste au transport maritime, pour acheminer des matières dangereuses et réglementées. Par ailleurs et comme l’explique Gefco, l’augmentation de la production de batteries pourrait également poser des problèmes de capacité de transport dans les années à venir.
Quant à la voiture thermique, à titre d’exemple, BMW mentionnait dans son rapport annuel de 2018 que la production d’une voiture dans ses usines rejetait en moyenne 400 kg de CO2, là où certaines études et notamment l’association Transport & Environment font état de rejets beaucoup plus importants : autour de 5 tonnes pour une véhicule thermique de milieu de gamme.
La production d’une voiture thermique demeure toutefois moins polluante que celle de son homologue électrique. La chaîne de fabrication est beaucoup plus courte et les processus de fabrication sont maîtrisés depuis de nombreuses années. Contrairement au VE, la voiture thermique ne fait plus l’objet de lourds investissements en termes de moyens de production.
Ainsi, dans le cadre d’une étude comparative, l’Avere-France met en évidence l’impact environnemental moindre du véhicule thermique pendant la phase de production et la fin de vie : le VT générerait en moyenne 6,7 tonnes de CO2 contre 10,6 tonnes pour le VE. Dans les faits, c’est entre la phase de production et la phase de recyclage, soit pendant l’utilisation, que le VE se révèle nettement plus propre.
La phase d’utilisation : avantage au VE avec un usage moins émetteur en CO2
C’est pendant la phase d’utilisation que le véhicule électrique se distingue nettement. En France par exemple, la production d’électricité est relativement décarbonée : à l’utilisation, le véhicule électrique est sans conteste plus propre. Toutefois, il convient de mettre en perspective la décarbonation de l’usage, car l’émission de CO2 par kilowattheure produit dépend du mix énergétique.
Afin d’illustrer cela, nous pouvons comparer le bilan carbone d’un véhicule électrique consommant 15 kWh/100 km et un véhicule essence compact consommant 5,2 L/100 km et émettant 135 grammes de CO2 au kilomètre, en France1 et en Allemagne2 :
Schéma Wavestone
Sur la base des chiffres communiqués par Carbone4 sur l’émission de CO2 d’un VE et d’un VT pendant les phases de fabrication et de recyclage, nous constatons que le véhicule électrique est toujours moins polluant à l’usage. Selon le mix énergétique, il est nécessaire de parcourir plus de kilomètres pour amortir l’empreinte écologique, mais le bilan s’avère systématiquement favorable au VE.
Enfin, la filière du recyclage des batteries pourrait radicalement se transformer dans les années à venir, comme l’explique Energy Stream. A l’avenir, la phase de recyclage émettra moins de CO2, ce qui aura notamment pour effet de diminuer l’empreinte écologique globale du VE.
Toutefois, l’argument écologique n’est plus le seul mis en avant par les constructeurs automobiles aujourd’hui. L’acquisition d’un VE s’avère intéressant d’un point de vue fiscal, pour les particuliers et les professionnels, qui plus est dans un contexte de hausse des prix du carburant.
Le véhicule électrique : une fiscalité à l’achat avantageuse pour les particuliers et les professionnels
Véhicule thermique essence, diesel, hybride, électrique… Aujourd’hui, le consommateur fait face à un dilemme devant les différentes offres proposées sur le marché. Selon ses besoins, le consommateur s’orientera vers un type de produit plutôt qu’un autre. Un particulier n’effectuant que peu de kilomètres pourra raisonnablement se tourner vers le véhicule électrique et pourra bénéficier d’un accompagnement de l’Etat à l’achat comme expliqué par Transport Shaker. Depuis le 1er janvier 2023, le bonus à l’achat est fixé à 27% de la valeur toutes taxes comprises du véhicule et plafonnée au maximum à 5000 euros pour les particuliers (3000 pour les personnes morales). En revanche, pour bénéficier de cette aide, le coût d’acquisition du véhicule doit être inférieur à 47.000 euros TTC.
De plus, dans le cadre de la prime à la conversion et sous condition d’éligibilité, il est possible pour le particulier de percevoir en 2023 une aide supplémentaire pour la reprise d’un véhicule diesel immatriculé avant le 1er janvier 2011 ou un véhicule essence immatriculé avant le 1er janvier 2006.
Quant aux clients professionnels, ils feront vraisemblablement le choix du diesel ou de l’électrique pour leur flotte ; en effet, l’investissement dans une flotte de VE s’avère progressivement intéressant d’après Transport Shaker. Enfin, le VE bénéficie aussi de la gratuité de la carte grise comme l’explique le site internet Caroom.fr dans cet article.
Le véhicule électrique : un coût d’utilisation inférieur
Pour le consommateur particulier ou professionnel, le second enjeu concerne le coût d’utilisation du véhicule. Afin d’illustrer ce propos, nous pouvons comparer les coûts d’utilisation3 d’une Renault Zoé et d’une Renault Clio :
Schéma Wavestone
A l’achat, la Zoé est plus chère que la Clio (+7.800 euros) mais le coût des recharges moins important permet d’amortir le surplus à l’achat à partir de la huitième année. Concernant le coût d’entretien, peu d’études sont parues à ce jour. Toutefois, le coût serait 20 à 30% moins important pour le VE d’après les d’après les estimations disponible.
En effet, la voiture électrique présente un double avantage notable par rapport au thermique : le prix de l’électricité est inférieur à celui du carburant et les entretiens du véhicule sont moins chers et moins réguliers. A titre d’exemple, l’absence de pièces mécaniques (moteur, boîte de vitesses, échappement… comme le soulignait Caradisiac) et d’entretien (ex. : la vidange de l’huile moteur, nécessaire en moyenne tous les 20.000 km sur un VT) permettent d’abaisser la facture d’entretien annuelle. De plus, les utilisateurs de voitures électriques sont unanimes : certaines pièces d’usures telles que les disques et plaquettes de frein ont des durées de vie plus importantes. Cela s’explique notamment par un frein moteur plus important et une conduite sollicitant moins les freins.
Dans ces conditions, certains utilisateurs rapportent avoir effectué de 150 à 200.000 kilomètres avec les mêmes plaquettes de frein. A titre de comparaison, leur remplacement est 3 à 4 fois plus rapproché sur un véhicule thermique. De son côté, L’UFC que Choisir concluait déjà en 2018 que l’entretien d’un véhicule électrique est globalement très avantageux par rapport au thermique. A noter : il n’existe pas de différence significative en termes de coût d’assurance.
Que choisir ?
Le choix du véhicule répond tout d’abord à un besoin particulier pour le consommateur. Ce choix s’articule autour de plusieurs critères, parmi lesquels on peut citer :
- Le budget d’achat
- Le type utilisation (trajets courts ou longs)
- Le budget alloué pour l’entretien
- Le réseau de chargeurs
La possibilité de recharger aisément son VE est un critère important pour le consommateur. D’après une enquête d’Enedis, 89% des utilisateurs de VE sondés rechargent leur véhicule à domicile. Cela semble s’expliquer de deux manières : la possibilité de profiter d’un tarif de recharge avantageux à domicile en heure creuse et un déploiement des bornes sur le territoire national assez lent. Comme le rapporte l’Avere-France, à la fin de l’année 2022, la France comptait un peu plus de 77.000 bornes publiques alors que l’objectif fixé par le gouvernement était de 100.000 pour la fin de l’année 2021. De plus, les bornes installées ne sont pas toujours en service. Bien que le déploiement de bornes sur les aires d’autoroute s’accélère, les enjeux de liés au déploiement des bornes et à la qualité de service sont nombreux comme le rapporte cet Insight.
A ce jour et même si le véhicule électrique demeure en moyenne 1,5 fois plus cher à l’achat que son homologue thermique selon Caradisiac, il reste financièrement intéressant, malgré un prix de l’électricité qui a sensiblement augmenté au cours des 12 derniers mois. En effet, il convient à la fois de retrancher certains éléments au prix d’achat, tels que les aides de l’Etat et de tenir compte d’un coût d’entretien inférieur par la suite.
Pour l’heure, le VE « abordable » s’adresse majoritairement à des acheteurs effectuant de petits trajets urbains mais l’augmentation progressive de l’autonomie convainc de plus en plus d’acheteurs. De plus, les premiers retours d’expérience quant à la durée de vie des batteries sont positifs, ce qui renforce la valeur résiduelle des VE sur le marché de l’occasion et rassure les futurs acquéreurs.
Malgré une « dette écologique » à rembourser lors de la mise en circulation, le VE est tout à fait pertinent dans une politique de transition écologique, quel que soit le mode de production de l’électricité. Demain, la dette écologique pourrait être amenée à diminuer en relocalisant une partie de la fabrication des VE en Europe et en décarbonant le recyclage.
Les signaux envoyés par l’industrie automobile sont vecteurs d’espoir quant à la démocratisation de la voiture électrique. Les efforts consentis par les constructeurs au cours des 10 dernières années pour rendre les batteries plus vertes sont considérables, et ce, sur toute la chaine de production. Les progrès effectués en matière d’autonomie le sont également et en tout état de cause, la révolution électrique est en marche.
1: de 5 à 15 tonnes de CO2 selon si le lithium est produit à partir de saumure ou de roche
2: en moyenne 56,9 grammes de CO2 émis par KwH en France selon l’Ademe pour l’année 2020
3: en moyenne 430 grammes de CO2 émis par KwH en Allemagne selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pour l’année 2020
4: prix du kWh au tarif réglementé EDF pour un compteur de 6 KVa
4: prix moyen du sans plomb 95 en France le 19 janvier 2023
Sources :
https://fr.motor1.com/news/520302/fin-moteur-thermique-europe-2035/
https://www.caradisiac.com/d-ou-viennent-les-batteries-des-voitures-electriques-186945.htm
https://www.greenly.earth/blog/impact-environnemental-fabrication-voiture
https://www.monde-diplomatique.fr/2020/07/BELKAID/61982
https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/lithium-or-blanc.xml
https://ecoinfo.cnrs.fr/2011/06/01/le-lithium-impacts-de-la-production/
https://www.caradisiac.com/d-ou-viennent-les-batteries-des-voitures-electriques-186945.htm
https://beev.co/voitures-electriques/matiere-premiere-voiture-electrique/?cn-reloaded=1
https://www.fournisseurs-electricite.com/guides/environnement/bilan-carbone/voiture
https://www.automobile-propre.com/dossiers/idee-recue-la-voiture-electrique-ca-pollue/
https://www.caroom.fr/guide/voiture-propre/electrique/aide-achat/avantages-pour-entreprises
https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F22203
https://www.capital.fr/auto/cout-recharge-vitesse-10-idees-recues-sur-la-voiture-electrique-1358847
https://reporterre.net/La-voiture-electrique-cause-une-enorme-pollution-miniere
https://www.capital.fr/auto/audi-e-tron-plongee-dans-son-usine-futuriste-1359623
https://www.rte-france.com/eco2mix/synthese-des-donnees?type=co2
https://www.automobile-propre.com/consommations-energetiques-cachees-vehicules-moteur-thermique/
https://www.rte-france.com/eco2mix/les-emissions-de-co2-par-kwh-produit-en-france#
https://www.rte-france.com/eco2mix/les-chiffres-cles-de-lelectricite
https://www.caroom.fr/guide/voiture-propre/electrique/neuve/laquelle-choisir/cout-reel
https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14391
https://www.caroom.fr/guide/voiture-propre/electrique/aide-achat/avantages-pour-entreprises
https://www.automobile-propre.com/dossiers/idee-recue-la-voiture-electrique-ca-pollue/
https://www.quechoisir.org/enquete-budget-auto-l-electrique-c-est-du-bonus-n59377/
https://www.autonews.fr/dossier/prix-de-l-essence-l-evolution-des-prix-en-2021-93257
https://www.capital.fr/auto/essence-entretien-le-cout-de-votre-voiture-a-bien-grimpe-1334167
https://www.am-today.com/sites/default/files/articles/31230/barometrevroomlyvef.pdf