La production hydro-électrique, élément principal de la production d’électricité verte en France, est au centre de l’attention : ouverture à la concurrence et changement de législation, la filière est sous tension. Décryptage!
L’hydro-électricité, vieille dame méconnue
Quand on parle de concessions, on ne pense pas d’abord aux barrages et autres équipements de production hydro-électrique. Pourtant, depuis presque un siècle, la production d’électricité s’est développée sur tous les cours d’eau français, sous le régime des concessions, l’État concédant l’exploitation des ouvrages et la production électrique à quelques opérateurs. Cette organisation a porté ses fruits car, même si la plupart des citoyens l’ignorent, l’énergie hydraulique est la première source d’énergie renouvelable de notre pays (75 % de la production d’ENR en 2012) et la deuxième source d’énergie électrique après le nucléaire. (12% de la production d’électricité en 2012).
Aujourd’hui, EDF et GDF-SUEZ, les opérateurs historiques, se taillent la part du lion. EDF exploite directement 81% du parc français (en énergie produite) et GDF-SUEZ 12% au travers de ses deux filiales, la SHEM (société hydro-électrique du Midi) implantée fortement dans les Pyrénées et la Compagnie Nationale du Rhône. Mais cet équilibre est sur le point de se rompre. Au regard des engagements européens de la France et des lois de 1993 (loi Sapin) et de 2006 (loi sur l’eau), l’exploitation des ouvrages doit être ouverte plus largement à la concurrence. Auparavant, le concessionnaire bénéficiait d’un droit de préférence, soumis à conditions mais finalement très protecteur pour les sortants. Ce n’est plus possible aujourd’hui. La plupart des grands opérateurs européens aimeraient profiter de cette occasion pour s’installer fortement en France : Statkraft, le norvégien, Verbund, l’autrichien, Alpiq, le suisse, Vattenfall, l’allemand, Iberdrola l’espagnol et Enel l’italien. Cela place EDF dans une situation défensive, alors que GDF SUEZ peut à la fois perdre des positions et en gagner d’autres.
À la clé : une production d’électricité rentable (la construction des ouvrages étant amortie depuis longtemps) et « verte ».
La situation paraît donc simple… et pourtant.
De nombreux doutes planent encore sur les échéances de l’ouverture du marché et aussi sur la gouvernance précise de la production.
Concessions : La longue recherche du mouton à cinq pattes
Le gouvernement français avait annoncé en 2010 que dix concessions regroupant une cinquantaine d’ouvrages (dans les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central) seraient soumises à concurrence avant 2015. Alors pourquoi tergiverser ?
D’abord l’État définit trois priorités qui, vues de près, pourraient être difficilement compatibles. Les offres des opérateurs devraient à la fois 1° contribuer à pérenniser et augmenter la production d’énergie renouvelable française 2° préserver l’environnement et les usages non énergétiques de l’eau 3° enfin, être profitables pour l’État et les collectivités territoriales via la généralisation d’une redevance.
Comment augmenter la production et préserver l’environnement par exemple ? La législation environnementale se durcit au nom de la continuité écologique (les saumons doivent remonter les rivières et les oiseaux migrateurs trouver des zones humides sur leur trajet). Certes, ce sont les micro-ouvrages les plus impactés mais certains petits barrages ont déjà été démantelés dans un passé récent au nom de cette continuité écologique. Les soumissionnaires devront se montrer inventifs pour produire plus tout en restant « éco-compatibles ».
Ensuite, la répartition de la rente énergétique entre les acteurs publics et privés est un sujet d’inquiétude pour les députés et les élus locaux. Le Parlement se soucie de la pérennité de nos actifs énergétiques et de notre richesse nationale que constituent nos rivières. Les collectivités territoriales veulent protéger l’emploi local, profiter d’une partie des bénéfices au titre de la « solidarité amont-aval » et avoir leur mot à dire dans l’administration des ouvrages.
Les décisions de Bruxelles pourraient encore faire l’objet de débats et d’ajustements. L’ancienne ministre Delphine Batho souhaitait par exemple, fin 2012, qu’on réfléchisse à des « scénarios alternatifs » ou, a minima, que les appels d’offres soient très fortement encadrés.
Dans ce contexte, l’Assemblée Nationale a confié à Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère, une mission d’information parlementaire. De cette mission dépendront en partie la vitesse et l’orientation des prochaines procédures d’appel d’offres. Ses résultats sont attendus dans les prochaines semaines. Ils sont même très attendus par tous les acteurs de la filière !
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