2014 : La fin des compteurs intelligents en Allemagne ?

Traditionnellement leader sur l’adoption de nouvelles technologies dans le domaine énergétique, l’Allemagne a récemment émis des réserves sur le déploiement du compteur intelligent.

Mandaté par le gouvernement allemand, Ernst & Young a publié à l’automne les résultats de son étude qui démontre que cette adoption massive de nouveaux compteurs n’est pas dans l’intérêt du consommateur allemand. Si l’Europe perdait le leadership allemand sur ce projet, c’est un marché de 33 milliards d’euros qui pourrait être en jeu. D’ailleurs, les Britanniques ont déjà annoncé leur intention de mener de leur côté une étude plus approfondie sur le déploiement de ces nouveaux compteurs…

Passer au smart : une volonté européenne

Alors que la consommation énergétique européenne s’accroit, ces compteurs sont indispensables pour optimiser les systèmes électriques, intégrer les sources renouvelables et participer à l’efficacité énergétique. Ils permettront en théorie une véritable révolution pour le consommateur, pour les producteurs et pour les gestionnaires de réseaux. C’est dans cette perspective qu’une directive européenne de 2009  impose aux états membres d’avoir équipé au moins 80% des foyers en compteurs intelligents en 2020. Sauf si, à l’issue d’une évaluation économique, l’état prouve que le déploiement n’est pas bénéfique. Comme celle que vient de publier Ernst & Young qui indique que les économies réalisées grâce aux compteurs intelligents ne justifient pas les coûts supportés par les particuliers.

Pourquoi le consommateur allemand passerait-il à la caisse ?

D’après les estimations de Frost & Sullivan, le remplacement des 48 millions de compteurs allemands coûterait environ 6 milliards d’euros d’acquisition auxquels s’ajouteraient 7,5 milliards à investir sur l’installation, les infrastructures et la gestion du projet. Projet qui impacterait inexorablement la facture domestique, alors que les tarifs de l’électricité sont déjà élevés (l’électricité est facturée quasiment deux fois plus chère qu’aux français) et que les particuliers seraient d’ores et déjà plutôt avisés sur la maîtrise de leur consommation électrique (la consommation annuelle serait d’environ 3 500 kWh en moyenne, contre environ 6 700 kWh en France). En termes d’économies, ce sont les industriels qui tireraient profit du dispositif, pour réduire leur consommation (ou la reporter) d’une part et bénéficier d’une répartition des coûts sur l’ensemble de la population d’autre part.

L’étude indique que si le coût d’un compteur intelligent est supporté uniquement par le foyer qui l’installe, il s’élève à 89€ par an (frais d’acquisition et d’installation inclus) par foyer. Si dès le début du déploiement, tous les ménages, y compris ceux non concernés par l’installation, mettent la main à la poche, le coût supporté un ménage moyen tomberait à 29€/an.

Pour le particulier, le compteur renseigne sur les modes de consommations certes mais les marges de manœuvre restent limitées pour réduire la consommation. D’autant plus que les gains de ces compteurs résident dans les changements des habitudes de consommation, à ce stade peu prédictibles.  Les ménages auraient donc un faible intérêt à faire profiter tout le monde de leurs données de consommation s’ils ne recouvrent jamais l’investissement initial.

Quelles informations utiles à qui ?

Les compteurs intelligents, aussi communicants, permettent effectivement d’identifier le nombre de personnes du logement, leur rythme de vie, leur taux d’équipement en appareils électriques… et même jusqu’à l’utilisation qu’ils en font.

En France, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a sonné l’alerte en 2010 sur les risques de piratage des données, des hackers ayant démontré  que les analyses de ces compteurs étaient à la portée d’un grand nombre et donnaient accès à des données précises, comme par exemple les chaînes de télévision regardées.

Les incertitudes liées à la sécurité des données viennent ainsi renforcer celles des gains énergétiques et économiques et amènent naturellement le gouvernement allemand à s’interroger sur le dispositif et sur le mode d’adoption du smart.

Quelle trajectoire d’adoption pour un fonctionnement profitable ?

D’après E&Y, la trajectoire d’adoption doit tenir compte de l’analyse économique globale, qui met en avant des spécificités du marché énergétique allemand.

Ce marché énergétique est fortement fragmenté (plus de 900 distributeurs d’électricité interviennent sur le réseau), il est libéralisé (il compte 3% de petits distributeurs qui existent aujourd’hui par leur différenciation  sur des offres compétitives) et faiblement intégré (plusieurs acteurs interviennent sur la chaîne de valeur).

L’expérience des centrales solaires a montré qu’il était complexe sur un tel marché de mettre en place une approche cohésive. Or c’est bien dans la coordination de toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur que réside la valeur ajoutée du compteur intelligent : une gestion du réseau réactive aux informations délivrées par les compteurs et côté consommateur un report de consommation en période creuse et l’introduction des services smart home. C’est la combinaison de ces facteurs, dans une approche systémique, qui rendra l’utilisation du compteur intelligent profitable, à long terme.

L’étude d’ Ernst & Young préconise donc une approche de court-terme plutôt centrée sur la gestion des perturbations et dysfonctionnements du réseau. Devront être équipés les foyers gros consommateurs (dont les besoins correspondent à environ une fois et demi la consommation moyenne annuelle d’un ménage) et ceux disposant d’installations renouvelables (PV ou autres) qui alimentent le réseau.

L’approche centrée sur l’efficacité énergétique globale est envisagée à plus long terme. Ernst & Young recommande sur ce point de ne remplacer les autres compteurs qu’à leur arrivée en fin de vie.

En conclusion, des gains controversés

Les résultats de l’étude ne militent pas pour une application mécanique de la directive européenne, mais ils ont le mérite de nous interroger sur la bonne gestion des coûts et des risques liés au projet ainsi que sur les différents modes d’adoption de ces technologies.  Avec 180 millions de compteurs résidentiels en Europe, si d’autres pays font valoir leurs spécificités, c’est toute l’industrie qui est concernée. Ce déploiement à grande échelle est-il la chronique d’une polémique annoncée ?

6 thoughts on “2014 : La fin des compteurs intelligents en Allemagne ?

  1. Une petite remarque, « plus avisés sur leur consommation électrique » ne représente pas bien les vraies raison de l’importance de cet écart entre Français et Allemands.

    Les données du WEC en ligne sur http://www.wec-indicators.enerdata.eu/secteur.php#/household-electricity-use.html pour 2010 sont de 5509 kWh par foyer pour la France et 3518 pour l’Allemagne. Mais sur les usages spécifiques, l’écart est bien plus réduit, la consommation y est de 2646 pour les Français et 2147 pour les Allemands. La grande différence est en fait sur l’usage thermique à 2864 pour la France, et 1371 pour les Allemands. Or ceci ne veut pas dire que les Allemands ne se chauffent pas, mais qu’ils ne se chauffent presque pas avec l’électricité, presque uniquement avec des moyens thermiques, la consommation d’énergie est donc transférée vers d’autre solution, pas supprimée.

    La conclusion de chercher à focaliser l’installation chez les foyers les plus intéressants n’en reste pas moins très fortement applicable à la France aussi. En dehors de la question du niveau de consommation, celle de la motivation à optimiser ses usages en fonction de ce qu’indique le compteur est aussi essentielle. Il est bien peu utile d’installer à grande frais des compteurs chez les personnes qui n’ont aucune intention de modifier leurs habitudes en fonctions de leurs enseignements.

  2. Maintenant, nous avons des subventions pour le nucléaire anglais pendant 35 ans, à 95£ de 2013 le MWh (114€ le MWh), indexé sur l’indice des prix, qui ne produira rien avant 2023.

    D’un autre côté, nous avons le photovoltaïque allemand, moins cher que ce projet chez les anglais, qui produit son électricité à seulement 97€ le MWh pour une centrale mise en service en novembre 2013, rémunérée à ce tarif pendant 20 ans seulement.

    http://energeia.voila.net/electri2/nucle_gb_solaire_de.htm

    On voit que les producteurs traditionnels sont aux abois maintenant que les énergies renouvelables sont compétitives avec le nucléaire, une énergie pas nouvelle puisque les premiers réacteurs anglais datent d’il y a plus de 50 ans.

    Pourtant, on nous disait que le nucléaire était l’énergie la moins chère, que le solaire était hors de prix.

    Car il faut bien comprendre que, du fait de son indexation, le tarif d’achat du nucléaire ne sera jamais inférieur au prix du marché.

    De plus, ce nucléaire bénéficie d’une garantie d’emprunt pour les trois quarts du montant de la facture, ce qui réduit de beaucoup le coût total de la construction, avec de faibles frais financiers. On n’en fait pas autant pour les énergies renouvelables.

    1. Cet ingénieur en physique retraité d’EDF et de RTE nous explique comment notre consommation va augmenter au profit des géants du marché

      En installant partout le nouveau compteur « intelligent » Linky, Enedis, entreprise publique, prépare en fait le terrain aux grandes firmes privées de l’énergie en vue de maximiser leur futurs profits. Ou comment le courant porteur en ligne (CPL) du système Linky va permettre d’inverser la loi de l’offre et la demande en électricité au détriment des consommateurs, dans un marché dérégulé.

      La filiale d’EDF qui se nomme RTE (Réseau de Transport d’Electricité) est chargée de la gestion des réseaux et groupes de production haute et très haute tension (63 à 400 000 Volts). Sa principale mission consiste à équilibrer, en temps réel, la consommation et la production d’électricité à la fréquence de 50 Hertz.

      Jusqu’au début des années 2000, à l’époque où le marché français d’électricité était régulé et de type monopolistique, c’est l’offre qui s’adaptait à la demande : les consommateurs/usagers avaient le libre choix de consommer l’électricité selon leur besoin, quelle que soit l’heure dans la journée, bien sûr dans la limite de la puissance souscrite dans leur abonnement. C’était aux groupes de production de s’adapter à cette demande.

      A cette époque, la plupart de ces groupes (thermique ou hydraulique) étaient pilotables et donc leur puissance modulable (surtout les groupes hydrauliques au fonctionnement très souple et réactif). Moduler un groupe de production veut dire que l’on peut lui demander de fonctionner à puissance réduite durant un certain temps. Dans une économie de marché,cela suppose qu’il y aurait un manque à gagner pour le producteur puisque le fonctionnement de son groupe à puissance réduite fera baisser son profit. Mais, à cette époque, la grande majorité des importants groupes de production constituait un bien national : la notion de rentabilité immédiate pour chaque groupe de production n’était pas une priorité ; la priorité essentielle étant la sureté et la sécurité de l’approvisionnement de la clientèle.

      Depuis la dérégulation du marché français (mais aussi européen) de l’électricité, l’appareil de production électrique se retrouve confronté à deux problématiques :
      1/ Les groupes de production modulables et pilotables vont de plus en plus être exploités par des opérateurs privés (voir la catastrophe qui se prépare pour le fleuron de la production hydraulique française). Or, ces opérateurs privés ne vont plus accepter le fonctionnement de leurs groupes à puissance modulable et réduite, ce qui les empêcherait de maximiser leurs profits.

      2/ La production d’énergie renouvelable (surtout éolien et solaire photovoltaïque) a fait son apparition. Or, cette production n’est actuellement ni modulable, ni pilotable pour les raisons suivantes :
      – Leurs caractéristiques intrinsèques implique que, lorsqu’ils sont couplés, leur puissance produite ne dépend que de la
      vitesse du vent pour l’éolien et de l’ensoleillement pour le solaire.
      – Pour des raisons d’économie, les constructeurs de ces parcs de production n’ont pas jugé opportun d’équiper leurs machines de régulateurs performants, permettant à leurs groupes de participer au réglage de la fréquence et de la tension, comme le font les groupes hydrauliques et thermiques.
      – Les producteurs de ces parcs exigent d’être couplés au réseau prioritairement dès qu’il y a du vent ou du soleil : concept d’énergie fatale qu’il faut accueillir au détriment des autres modes de production.

      D’où un changement de paradigme nécessaire: ce sera dorénavant à la Demande (les consommateurs) de s’adapter à l’Offre (les producteurs). Et c’est là qu’intervient le compteur Linky dont le CPL G3, intégrant le protocole IPV6,
      permet de prendre le contrôle/commande des appareils électriques disposant d’une puce RFID, et qui sont raccordés au réseau 50 Hertz du logement.

      Il suffit ensuite d’inventer une nouvelle catégorie d’intermédiaires : les Opérateurs d’Effacement. Leur rôle consistera, à la demande du Gestionnaire du Réseau et de la production (RTE), à baisser/augmenter la consommation des usagers à leur insu ; ces Opérateurs d’Effacement seront rétribués pour ce service. Mais les consommateurs n’auront droit à rien.

      Voilà la raison essentielle du déploiement des compteurs Linky et du CPL G3 : maximiser les profits de la production privatisée de l’électricité à l’insu du consommateur qui, par l’automatisation de l’effacement/augmentation de sa consommation, aura perdu toute souveraineté.

      Les consommateurs/usagers seront bien les dindons de la farce !

  3. De plus il faut savoir que chaque compteur Linky consomme pour son fonctionnement environ 5 watts de puissance active pour un cos phi de ( estimé )a 04 . soit une consommation reelle de 8 vA environ et cela 24 heures sur 24 Vous croyez vraiement que edf va prendre cette consommation a ses frais ??

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