L’exploitation des réserves d’hydrocarbures a enrichi les pays du Golfe, impulsant le développement économique fulgurant de ces « terres de l’or noir », tout en engendrant des pratiques de consommation excessive. Si le spectre de la déplétion des ressources s’élargit, certains de ces pays se sont résolument tournés vers les énergies renouvelables. En effet, en plus des combustibles fossiles, le solaire, l’éolien et la géothermie représentent des alternatives crédibles pour cette région du monde. Alors, de l’or noir à l’or vert, les pays du Golfe seraient-ils à la recherche d’un nouvel Eldorado ?
À quoi bon diversifier son portefeuille énergétique ?
Qu’il s’agisse de l’Arabie Saoudite, qui détient un 1/5ème des réserves prouvées de pétrole (premier pays producteur et exportateur mondial) et les 5èmes plus grandes réserves de gaz naturel, ou bien des Émirats Arabes Unis (EAU) qui sont également parmi les 10 plus grands producteurs de pétrole et de gaz naturel au monde, la course contre la montre a commencé.
L’enjeu premier est de réduire sa dépendance aux hydrocarbures. Les déclarations publiques de ces gouvernements se répandent en ce sens… pour limiter leurs propres consommations comme pour maintenir leurs économies à flot. Avec moins de 30 millions d’habitants, l’Arabie Saoudite est le cinquième consommateur de pétrole et le huitième consommateur de gaz naturel au monde. Pour ce pays, le secteur pétrolier représente 45% de PIB, 80% de ses revenus budgétés et 90% de ses revenus à l’export. Alors même que les EAU détiennent les 6èmes réserves prouvées de gaz naturel, ils en sont devenus importateurs nets depuis 2007.
Élargir son portefeuille énergétique implique également qu’une plus grande part de la production puisse être consacrée à l’export, source de revenus d’autant plus conséquents qu’elle y serait vendue plus chère comparée aux prix subventionnés pratiqués par les gouvernements pour la consommation de leur population. Surtout, cette consommation interne d’hydrocarbures est en pleine explosion : entre 2001 et 2011, elle a augmenté de 86% en Arabie Saoudite (50% dans les EAU), et devrait tripler dans les 20 prochaines années.
Autre argument : la diversification de l’économie. Enjeu d’image et de renommée internationale, envie de peser géopolitiquement – la solution ? Initier un nouveau modèle économique. Avec comme porte-étendard Masdar City, les EAU prouvent qu’il est désormais possible de concevoir une ville dépendant entièrement de sources d’énergie renouvelable. Le Masdar Institute of Science and Technology, créé en collaboration avec le MIT, renforce le rôle que les EAU tentent de jouer à l’échelle mondiale : faire de l’or vert un levier économique pour attirer les talents et renverser le « brain drain » dont la région souffre toujours.
Ô soleil ?
Il existe deux grandes familles de technologies solaires : les technologies photovoltaïques, qui transforment la lumière solaire pour générer de l’électricité, et les technologies solaires thermiques, qui utilisent la chaleur du soleil pour chauffer de l’eau ou produire de la vapeur, en particulier en vue de générer de l’électricité.
Sans entrer davantage dans des considérations techniques, pour les pays du Golfe, l’énergie solaire est la source d’énergie renouvelable représentant le plus grand potentiel au regard des autres sources. A contrario des énergies fossiles traditionnelles, l’énergie solaire est disponible partout, notamment dans la zone du Moyen Orient. Le coût du combustible est nul, par opposition aux centrales à charbon, nucléaires, au pétrole ou au gaz, et les coûts de maintenance sont faibles. L’énergie solaire, de plus, est généralement la plus disponible lors des pics de demande, par exemple pour refroidir tout au long de l’année dans les pays chauds. Enfin, les technologies photovoltaïques sont petites et modulaires, ce qui permet de les utiliser théoriquement partout.
A titre indicatif, il suffirait que des centrales solaires thermodynamiques (« Concentrating Solar Power Plant ») couvrent moins de 3% de la surface totale du Sahara pour répondre à la demande mondiale d’électricité. Des cartes montrent notamment que le Moyen Orient est une des zones où l’ensoleillement normal direct est le plus élevé, ce qui est une des conditions pour que les solutions basées sur l’énergie solaire thermique soient rentables économiquement.
Plusieurs projets terminés ou en cours ont fleuri dans cette zone géographique : en 2011, les EAU ont inauguré la plus grande ferme solaire du Moyen Orient connectée au réseau, à Masdar City, avec une centrale photovoltaïque de 10MW censée réduire de 15 000 tonnes de C02/an les émissions de CO2 ; débuté en 2010, le projet « Shams 1 » pourra atteindre 100MW (soit de quoi fournir de l’électricité à 20 000 foyers, pour un coût total de 600m$) ; Dubaï a également lancé un projet de parc solaire de 3,25Mds$ devant produire 1 000MW d’ici à 2030.
Merci, chers pétrodollars !
Si les pays du Golfe peuvent se permettre de se lancer dans la course à l’or vert, c’est grâce aux pétrodollars accumulés pendant les dernières décennies. Masdar pour les EAU, K.A.Care pour l’Arabie Saoudite, entreprises nationales ou fonds gouvernementaux profitent directement de cette manne pour répondre à des objectifs ambitieux : en 2008, les EAU se sont engagés à ce que 7% de leur énergie provienne de sources renouvelables, quand l’Arabie Saoudite a pour cible de générer 41GW d’énergie à partie de centrales solaires en 2032, soit 1/3 de ses besoins futurs en électricité. Plus de 109Mds$ seront investis dans le secteur solaire par ce pays.
Coopérations régionales et internationales se développent : Masdar et K.A.Care s’accordent pour développer des programmes communs et les sociétés internationales, attirées par le potentiel industriel et les débouchés offerts par ces opportunités, affluent, à l’instar de Saint-Gobain. Le Japon renforce ses relations avec Bahreïn et l’Espagne se rapproche d’Abu Dhabi.
Tout serait donc rose au pays de l’or vert ?
Le solaire aurait tout pour plaire, dans cette région ensoleillée. Néanmoins, des facteurs externes rendent la tâche difficile. Les températures extrêmes limitent l’efficacité de certaines installations lors des pics de consommation, comme les miroirs cylindro-paraboliques (« parabolic troughs »). L’accès à l’eau pour refroidir les centrales dans les zones désertiques, où le rayonnement direct est de facto le plus fort, est un des principaux obstacles. Le sable et la poussière ont également un fort impact négatif : en 2009, des nuages de poussière ont réduit la production de la centrale de Masdar de 40%.
Les perspectives offertes par une industrie solaire encore émergente pourraient profiter non seulement à l’environnement à l’échelle mondiale, mais également aux économies des pays qui ont décidé de prendre des mesures radicales en termes de politique énergétique. L’énergie solaire dans les pays du Golfe ouvre véritablement le champ à de nouvelles opportunités.
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