Énergies renouvelables et smart microgrids : le duo gagnant ?

Signpost "Smart Grid"Un microgrid est un système énergétique iloté, qui permet à un bâtiment ou un quartier de s’approvisionner en électricité de façon autonome, tout en demeurant connecté au réseau national. Si à l’origine, les microgrids étaient surtout utilisés dans les régions difficiles d’accès et non connectées au réseau, ainsi que sur les sites stratégiques tels que les hôpitaux ou les bases militaires, les enjeux énergie-climat contemporains et l’arrivée des technologies dites « smart » ouvrent de nouvelles opportunités pour les microgrids. Le forum annuel de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) revenait début juillet sur l’intérêt croissant que suscitent les projets-pilote essaimés sur le territoire.

Des microgrids pour sécuriser l’approvisionnement en électricité…

Les smart microgrids sont radicalement différents de  leurs aînés déployés dans les Zones Non-Interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI). Dans ces régions insulaires (Corse,  Départements et Collectivités d’Outre-Mer), l’électricité doit être produite sur place, et l’isolement induit un surcoût important par rapports aux coûts de production obtenus dans l’Hexagone. Le coût de revient y est estimé par la CRE entre 122 et  315€ le MWh selon les régions. Des microgrids peuvent alors être déployés pour assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité. Les actions de maîtrise de la demande (MDE) et d’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables (EnR) n’interviennent donc qu’en arrière-plan, comme leviers d’action supplémentaires pour atteindre l’autonomie énergétique. Ce n’est que récemment que ces systèmes énergétiques insulaires sont apparus comme de bons lieux d’expérimentation pour les smart grids.

Ainsi, le projet PAESI (pour Production et Alimentation en Électricité sur Site Isolé), porté par EDF SEI[1] dans un village de montagne en Corse, prévoit de bâtir un système iloté basé sur une petite unité de gazéification du bois. Le micro-réseau permettrait au village de se déconnecter du réseau électrique de manière préventive en cas de risque de coupure du courant. L’objectif du projet est donc la sécurisation de l’approvisionnement en électricité du site. La technologie « smart » intervient pour prévoir la demande de façon horo-saisonnière et assurer la stabilité en dynamique de l’ilot par modulation de la production, pilotage des consommations ou dissipation d’énergie.

… aux smart microgrids pour intégrer la production décentralisée

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D’autres projets de démonstrateurs de microgrids vont plus loin, en poursuivant des objectifs non plus techniques, mais environnementaux et économiques : pour eux, il ne s’agit plus d’améliorer la continuité de fourniture sur une zone habitée éloignée grâce à une technologie « smart », mais de se baser sur les smart grids pour réduire la consommation électrique, intégrer une plus grande part d’énergie renouvelable dans le mix et optimiser l’usage du réseau électrique national.

C’est le cas du projet Smart ZAE lancé par l’opérateur de services énergétiques Cofely (filiale de GDF Suez) sur un site tertiaire au nord de Toulouse. Le projet consiste à doter un site industriel d’un micro-réseau en courant continu, alimenté essentiellement par des panneaux photovoltaïques (PV) et des capacités de stockage (deux technologies sont actuellement en phase de test : des batteries lithium-ion et des volants d’inertie). La pièce maîtresse du système réside dans un logiciel de gestion qui doit permettre d’atteindre les objectifs d’optimisation de la consommation, de la production d’EnR, de l’usage du réseau et des coûts. Au quotidien, l’algorithme construit par le laboratoire Laplace de l’INP Toulouse compare le coût de l’électricité générée sur l’ilot au prix sur le marché de gros, et indique auprès de qui, de l’îlot ou du réseau national, se fournir en électricité. L’optimisation est double : réduction des coûts de fourniture pour les usagers du microgrid, et lissage de la courbe de charge du réseau pour le gestionnaire ERDF. En effet, le prix de l’électricité sur le marché est représentatif de la demande et des pressions exercées sur le réseau de distribution. En période de pointe, le microgrid peut même fournir de l’électricité au réseau si besoin, évitant ainsi au gestionnaire du réseau de distribution (GRD) des surinvestissements dans des capacités de pointe et des renforcements du réseau.

Des progrès technologies palpables

Ce projet a prouvé que le défi technologique est en grande partie dépassé : seul le stockage manque encore de maturité. Son coût prohibitif le disqualifie systématiquement dans le calcul économique de l’algorithme de gestion. Mais en reprenant le contrôle sur la production intermittente des EnR électriques, le smart microgrid élimine le principal frein à leur essor : les coûts exorbitants d’adaptation du réseau et de construction de capacités de back up pour compenser leur variabilité. Les projets expérimentaux permettent aussi de progresser rapidement sur les systèmes d’information et d’optimisation des flux d’énergie en temps réel.

Mesurer la flexibilité du triptyque production-consommation-stockage est d’ailleurs le maître-mots du projet Kergrid, mené par le syndicat d’énergie du Morbihan et Schneider Electric. Ce « smart building », combine lui aussi des installations de production photovoltaïques, des capacités de stockage et une solution chargée d’arbitrer entre autoconsommation, Signpost "Smart Grid"stockage ou revente de l’électricité. Le projet sera prochainement étendu à une salle de sport et un quartier résidentiel à proximité, afin d’en améliorer encore l’optimisation : en effet, la complémentarité entre les profils de consommation permet d’éviter d’accentuer les pointes à l’échelle de l’ilot. Le syndicat travaille aussi sur la réplicabilité de son microgrid afin de pouvoir  l’étendre à d’autres quartiers volontaristes et d’amener finalement le système électrique à évoluer vers un modèle plus décentralisé.

Mais des freins économiques et réglementaires encore nombreux

Toutefois demeurent certains freins économiques : le tarif de rachat des EnR conduit l’algorithme a préféré la vente de l’électricité renouvelable à son autoconsommation ; et l’absence de rémunération pour les services rendus au réseau ne permet pas au microgrid de franchir le seuil de rentabilité. Ces deux problèmes pourraient être résolus par une évolution de la législation : les porteurs de projets doivent être autorisés à regrouper plusieurs abonnements sur un même point de livraison, à contractualiser avec le GRD en tant qu’opérateur de services énergétiques (réglage de fréquence/tension, flexibilité de l’offre et la demande du système iloté…). Les retards de la réglementation entravent pour le moment la multiplication de projets entrepreneuriaux.

[1] EDF Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI) et une division du groupe EDF en charge des systèmes électriques non-interconnectés en Corse, ainsi que dans les départements et collectivités d’outre-mer.

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